Défier le conservatisme pour devenir élues municipales !

Le 6 mai 2018 a eu lieu la première élection municipale du pays depuis la révolution de 2011. Deux chiffres ont marqué cet événement historique, 47 % des élus municipaux sont des femmes, et 37% sont des jeunes de moins de 35 ans. Takwa Ghanjati et Baya Khmaissa, deux candidates de la 7e promotion de l’Académie politique d’Aswat Nissa font partie de ces deux catégories. Malgré leurs idéologies différentes et leurs origines, les deux femmes ont un but commun : améliorer les conditions des femmes de leurs régions. Portrait.
Les débuts en politique : 
Dès son adolescence Takwa, 25 ans, originaire de Jendouba, commence à se poser des questions sur le gouvernement de Ben Ali mais c’est juste après la révolution, durant sa dernière année au lycée, que la jeune femme décide de se lancer en politique en intégrant le parti d’Ennahdha, un choix qui n’a pas été soutenu par sa famille.
« Je suis issue d’une famille conservatrice. Une femme qui est active dans la politique, ce n’est pas acceptable pour mon entourage. Bien que j’ai intégré la politique en 2012, je fais toujours face à des difficultés chez moi surtout quand il y a des déplacements, des sorties. Tout cela me dérange et me fatigue mais je vais continuer car je suis convaincue de ce que je fais », nous confie Takwa. 
Même son de cloche pour Baya, 24 ans, originaire d’Ennadhour (Sfax) et issue d’une famille proche de l’ancien régime. La jeune femme constate dès son plus jeune âge les dépassements qui sévissent dans le pays et n’accepte pas les choix politiques de sa famille. Sur les bancs de la faculté, la jeune sfaxienne commence à forger ses idéologies politiques mais elle rencontre une résistance de la part de son père. C’est finalement après avoir fini ses études, en 2015, que la jeune femme intègre la politique, son choix se pose alors sur le mouvement du peuple.
Les projets en tant qu’élue : 
Le 6 mais 2018, la vie de ces deux jeunes femmes a complètement changé. Takwa est à présent à la tête de la commission de la coopération décentralisée, une commission qu’elle a elle-même choisi en raison du projet qu’elle souhaite implémenter au sein de sa région. Par ailleurs,  la jeune femme siège aussi dans deux autres commissions dont celle de l’égalité des chances. La jeune élue a pour objectif d’améliorer la situation des femmes à Jendouba et surtout celle des  femmes rurales.
« Je veux créer des coopérations sur le plan international. La commission dans laquelle je siège travaille beaucoup sur les partenariats internationaux. Je veux collaborer avec les associations qui travaillent sur l’égalité en plus des partenariats avec les municipalités étrangères. A travers les projets sur lesquels nous allons collaborer, nous allons faire en sorte d’améliorer l’autonomisation économique des femmes », précise Takwa.
Baya, quant à elle, est à la tête de la Commission de la culture, de l’éducation et de l’enfance. La jeune femme explique que les conditions sont très rudes pour les femmes dans sa région.
« Etant donné que ma commune est rurale, il n’y a pas d’activités culturelles, les femmes et les filles sont opprimées, dépassé 16h la femme n’a plus le droit de sortir », déclare Baya.
Pour son entourage féminin, le parcours politique de la jeune femme est considéré comme étant extraordinaire.
Bien que la situation est entrain de lentement changer dans le pays grâce à la loi électorale, notamment la parité dans les élections municipales, Baya explique que la perception des citoyens et citoyennes par rapport aux femmes politiques est négative.
En tant qu’élue, Baya envisage d’améliorer les conditions de transports des femmes de sa région.
« J’essaye de faire un partenariat avec les communes voisines car nos concitoyennes travaillent dans ces communes et afin d’améliorer les conditions de transport des femmes dans ces régions. Pourquoi pas faire aussi des conventions d’assurance pour les filles car les conditions leur sont très défavorable et c’est un secteur défavorisé », explique-t-elle.
 
Ces deux jeunes ambitieuses représentent le nouveau visage de la Tunisie où une  nouvelle génération de jeunes femmes politiques est entrain de voir le jour.
 « C’est vrai que le travail politique dans les régions intérieures du pays peut être  difficile mais c’est un défi que les femmes doivent relever. C’est une des plus belles expériences de ma vie.  C’est vrai que j’ai vécu beaucoup de moments négatifs mais j’ai beaucoup appris et apprécié cette expérience. Je ne veux pas que les femmes ratent cette occasion, au contraire il faut qu’elles intègrent la politique pour vivre cette expérience », conclut Takwa.